Wanda Koop | Notre Dame de Paris

2019 | WANDA KOOP
NOTRE-DAME DE PARIS
MONTRÉAL
12 sept - 2 nov



Breaking News (Notre Dame, Paris France series), 2019, Acrylique sur toile, 30” x 40”

Breaking News (Notre Dame, Paris France series), 2019, Acrylique sur toile, 30” x 40”

NOTRE-DAME DE PARIS

12 sept - 2 nov

Vernissage: 12 sep, 18 h - 21 h

La Galerie Division est fière de présenter Notre-Dame de Paris, une nouvelle exposition composée de dessins et de toiles par Wanda Koop. Dans l’entrevue qui suit, l’artiste discute de sa fascination pour la cathédrale et des oeuvres que cette dernière a su lui inspirer lors de son séjour à Paris en 1991 et à la suite de l’incendie.

GD: Vous avez entretenu une longue relation avec Notre-Dame de Paris. Comment les premiers dessins ont émergé?
WK:
La genèse de ces dessins est intéressante. J’occupais le studio du Conseil des arts du Canada à Paris en 1991. Je me suis retrouvée seule à Paris pendant six mois. Je ne vivais pas très loin de Notre-Dame - je pouvais la voir d’où je restais - et j’ai commencé à faire de petits croquis de la cathédrale, un peu à la manière des notes que je prenais pour ma série In Absentia lorsque j’habitais à New York. Il était question de trouver un centre et puis de construire à partir de ce dernier. J’ai fait une série de minuscules livres que je gardais sur moi avec un crayon. Peu importe où je me retrouvais, je levais la tête pour constater quelle était la relation de Notre-Dame avec cet endroit. J’ai rempli dix petits cahiers de cette manière. Et puis, j’ai commencé à travailler sur de la glassine, le papier utilisé pour emballer les fleurs à Paris. Dans mon studio, j’ai fait de plus grands dessins en commençant à utiliser du papier et de l’encre de Chine. J’ai créé plus d’une centaine de dessins à partir de ces notes initiales.  

GD: Qu’est-ce qui vous fascinait de la catédrale Notre-Dame vous croyez?
WK:
Je traversais une période très difficile de ma vie et pour une raison que j’ignore la cathédrale m’attirait. C’est vraiment le cœur de Paris. Au-delà du symbole religieux qu’elle incarne - et auquel je ne suis pas du tout attachée - elle est absolument magnifique au niveau architectural. Elle me permettait d’être centrée. À vrai dire, je suis devenue obsédée par la cathédrale. 

GD: Où étiez-vous lorsque vous avez appris que la cathédrale brûlait?
WK:
J’étais à l’aéroport de retour de Dallas. Je faisais un transfert. J’ai appris la nouvelle en levant la tête, alors que j’étais dans un siège et que je retournais chez moi. C’était étrange, car mon avion ne pouvait pas atterrir à Minneapolis - le président Trump se trouvait dans l’espace aérien, donc nous n’avions pas la permission d’atterrir - et alors que je repartais, nous étions retardés par le décollage de son avion. Quel moment étrange.

GD: Absolument! Un sombre présage culturel! Et considérant les années qui se sont écoulées depuis les croquis originaux, comment avez-vous abordé les nouvelles toiles?
WK:
J’ai eu beaucoup de difficulté! Initialement, quand j’envisageais faire l’exposition, je pensais qu’il serait intéressant de faire une série de toiles à propos du feu. Alors j’ai commencé mon processus de prises de notes à partir des dessins originaux. J’ai essayé pendant plusieurs semaines, mais à chaque fois que je commençais quelque chose, ça ne fonctionnait pas.
Puis, alors que je m’apprêtais à faire les dernières toiles, mon partenaire m’a appelée pour me dire que je devais regarder les nouvelles. Il y avait un segment à propos de Notre-Dame et son état actuel. J’avais pris de courtes vidéos de la télévision lorsque la cathédrale brûlait et il m’expliquait qu’il y aurait maintenant un reportage de CNN concernant ce qui en était de la cathédrale à ce moment. J’ai donc ouvert la télévision. C’était une émission incroyable et je me suis retrouvée à prendre plusieurs photographies. J’ai alors réalisé que cela était en continuation avec mon approche pour la série Green Zone, un corpus important de mon travail, qui aborde ce qui est filtré par l’œil des médias.
Les dessins initiaux étaient très personnels et intimes. Je ne les avais jamais montrés auparavant, car ils ne semblaient pas avoir d’importance aux yeux du monde. Et puis cette catastrophe est survenue… suivie d’un calme saisissant et de la dévastation causée par le choc. La fragilité. Il s’agit, pour moi, d’une métaphore de la fragilité de notre être.
Ces oeuvres ont donc d’abord été produites à partir d’une perspective personnelle et c’est seulement plus tard, alors que la cathédrale brûlait, que j’ai réalisé qu’il s’agissait du cœur de quelque chose de plus grand. Plus grand même que la religion et tout ce que nous avons tendance à associer aux cathédrales.

GD: Vous avez utilisé l’image de la flamme de façon assez récurrente tout au long de votre carrière - qu’est-ce que le feu représente dans le langage de votre pratique?
WK:
Les lignes d’horizon dans mes oeuvres suivent souvent la forme des clochers, des dômes et des tours de grandes entreprises. Unir ces symboles avec des feux sur le bord de la rivière m’a toujours semblé être une métaphore puissante pour… l’existence. Le pouvoir politique, le pouvoir religieux et le pouvoir corporatif se situent sur l’horizon de chaque ville. Dans mon cas, le symbole du feu se rattache à  mon enfance passée sur le bord de la rivière et durant laquelle je regardais des gens des Premières Nations faire leurs feux contre cet arrière-plan, quelque chose qu’ils font depuis le début des temps.

GD: L’été dernier, un feu tragique dans votre ville natale, Winnipeg, a ravagé des studios de la rue Jarvis. Des douzaines de vos collègues artistes ont perdu l’entièreté de la production de leur carrière. Même si le feu de Notre-Dame était d’une ampleur culturelle différente, comment compareriez-vous ces deux incendies?
WK:
En fait, ce qui est étrange, c’est que j’ai publié une image des nouvelles toiles de la série Breaking News la journée même du feu de Jarvis. Je crois que j’éprouve quelque chose de plus profond  par rapport à cet incendie que par rapport à celui de Notre-Dame. J’avais le cœur brisé par le feu ravageant Notre-Dame. Mais dans le cas de la rue Jarvis, je connais presque tous les artistes affectés. Je connais toutes leurs histoires, alors je ressens leurs pertes personnelles. Ma sœur et mon meilleur ami font partie de ce groupe. Eleanor Bond a perdu tout son travail, Shawna Dempsey, Lorri Millan, Craig Love - j’ai été la commissaire de l’une de ses expositions il n’y a pas très longtemps… un magnifique, magnifique peintre. Savoir que ces personnes ont donné leur vie pour quelque chose qui est si peu reconnu et qui ne rapporte pas beaucoup, puis qui est ensuite complètement perdu - c’est épouvantable. Ça se rapproche beaucoup d’une mort. C’est un deuil collectif. Et c’est à ceux d’entre nous qui se souviennent de leurs histoires d’être un support et de conserver leurs souvenirs. Dans cette optique, mes feux pourraient être interprétés comme des symboles représentant les artistes et toutes les personnes qui cherchent à accomplir quelque chose de plus grand qu’elles-mêmes pour le bien commun.