Chloe Wise - In loveliness of perfect deeds

2022 | CHLOE WISE
IN LOVELINESS OF PERFECT DEEDS
MONTRÉAL
28 mai - 9 juil



Chloe Wise, 2022, Huile sur lin. Crédit photo: Morganne Boulden

Division Blouin est heureuse de présenter la nouvelle exposition de Chloe Wise, IN LOVELINESS OF PERFECT DEEDS. Dans la salle principale de l’exposition, un salon creusé, ou « causeuse de conversation », est recouvert de paillassons dont les messages renvoient tout sauf un sentiment accueillant. L’installation immersive invite à l’échange tout en créant un certain inconfort, et est entourée de nombreux portraits qui dressent une sorte de voisinage ordinaire : des visages nombreux, l'un après l'autre, indiscernables, individuels, indifférents. Des fragments identifiables, tant visuels que verbaux, entraînent un dialogue abscons qui investigue les frontières tacites de la socialisation depuis un catalogue kaléidoscopique du familier.

En navigant vers la destination insaisissable mais nécessaire de la Convivialité, dont l'importance ne fait aucun doute, il n'y a pas beaucoup de place pour l’égarement ou l'erreur. Au sein d'un groupe, les interactions semblent se dérouler naturellement, et quelque part entre la spontanéité et la prescription, il y a le réflexe : le code social non écrit qui est une sorte de seconde nature manifeste. L'instinct de survie est à la base de l'étiquette. La moralité a un côté égoïste; toute considération de "morale" implique qu’est déjà accepté un certain cadre moral. Pour "s'entendre", il faut comprendre de quoi il serait "bon" de se préoccuper, c'est-à-dire qu'il serait "bon" de se préoccuper de "bonnes" choses.

Si les désaccords et les ruptures sont inévitables, il est du devoir du masque, du visage, de négocier le passage vers la Province de la Paix, cette toile de fond prometteuse. Selon Levinas, le face-à-face sous-tend le « Ne me tue pas ! ».  Sans, ou plutôt, malgré le langage, le visage négocie, déclare, invite et interdit. La performance du visage doit s'adresser à deux publics à la fois : le spectateur de l'extérieur et celui de l'intérieur. Dans le meilleur des cas, le public et le moi s'accorderont sur la plausibilité de la performance, composant une critique un tant soit peu cohésive : cinq étoiles. Si l'on dépasse les limites, cette impression peut être plus proche du cynisme que de l'authenticité pour les autres, voire pire. 

Le fardeau même de maintenir un caractère sain et stable nous oblige à être - si nous savons ce qui est bon pour nous – initié aux manières de la scène. Ce théâtre est vital, cette ignorance : la béatitude, cette vie tenue pour acquis : certainement digne d'être vécue. Se méfier du scénario, c'est perdre confiance en la production ; entendre, quelque part, prononcer "coupez !", c'est cesser de jouer le rôle.  Reconnaître les limites de la scène, ou même, en sortir, serait une démarche solitaire, puisque le spectacle, bien sûr, doit continuer, et continuera.

Si notre conception de nous-mêmes n'est pas seulement ce que nous disons être, mais un composite de ce que nous avons, et où nous l’avons, et qui nous pouvons convaincre, nos maisons sont des contenants de nous-mêmes et de toutes les preuves que nous avons accumulées. Nos maisons sont les secrets que nous ne racontons qu'à moitié ; les histoires que nous embellissons, mais qui nous font encore rougir en les racontant, persuadés de la rareté de tels aveux. Nos placards abritent les squelettes, nos chambres abritent les placards. Si, en entrant, on est accueilli par un avertissement poli, "Après vous, monsieur !", quel rôle cette platitude joue-t-elle dans le maintien de la durabilité douteuse de l'infrastructure sociale que nous tenons pour acquise ? Si un "bienvenue !" était vraiment sincère, serait-il, poussé à sa limite logique, un cambriolage ? La sonnette est le chant de la proposition du voisin, un appel de l'abject venant de l’autre côté de la clôture.  La clôture indique joyeusement que ce gazon est, pour vous, plus vert, et son côté, autre. Le paillasson suggère qu'il n'y a pas lieu de s'offenser alors que vous tentez, si vous le voulez bien, de déloger la saleté sous vos pieds avant d'entrer dans le pâturage immaculé de ce vestibule. Comprenez : vous pouvez vous joindre à nous, vous pouvez entrer, vous mettre à l’aise, mais temporairement, poliment et dans la limite du raisonnable. Asseyez-vous, mais ne restez pas longtemps, restez un peu mais ne laissez pas la lumière allumée, entrez, ne soyez pas un étranger, mais s'il vous plaît, comprenez la différence entre l’hospitalité et l'intrusion.

-Chloe Wise, mai 2022